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mardi, 29 mai 2012 13:51

La réforme du lycée 2010 tiendra ses "promesses"...

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Qui a  vu passer la réforme du lycée 2010 ne peut s’étonner du contenu des deux rapports remis conjointement et récemment au Ministre de l’Education  par l’IGEN (Inspection générale de l’Education Nationale) et par l’IGERN (Inspection générale de l’Education Nationale et de la Recherche) (2 « machins »).

 Pour rappel, cette réforme du lycée, mise en œuvre "au pas de charge" par Nicolas Sarkozy et son ministre, qui va se perpétrer et se confirmer avec le couple Hollande-Peillon, est caractérisée essentiellement par la désagrégation des savoirs disciplinaires qui se traduit par la réduction des heures de cours et de leurs contenus – en attendant leur disparition à très court terme - au profit de la valorisation de « pédagogies de projet » maquillées en «… accompagnement personnalisé, tutorat, aide aux devoirs… »,  toutes appellations présentées comme une alternative aux cours particuliers assurés dans le prolongement des cours et censée corriger l’injustice de ne pas permettre à tous les enfants d’en bénéficier ,  alors que ces dispositifs n’ont d’autre but que de se substituer aux cours, transformant ainsi les finalités du lycée – de lieu d’instruction en lieu de vie – dans le prolongement de celles du collège – transformant ainsi et aussi, les missions des enseignants devenus « accompagnateurs de projets ».Et c’est bien ce que confirment ces deux rapports.Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de leur contenu relatif au  suivi de la réforme du lycée et aux propositions pour une évolution du bac.

L’ennemi à abattre : le cours

Comme par hasard, les deux rapports convergent sur la remise en cause de l’enseignement disciplinaire et sur la mise en valeur du concept de compétences et, dans le prolongement de ces deux points de convergence, la plus grande partie du rapport sur la réforme du lycée est consacrée à la mise en œuvre de l’ « accompagnement personnalisé », considéré  comme l’axe de la réforme.

De fait, c’est bien l’axe de la réforme, l’axe qui désaxe, le pivot sur lequel  élèves et enseignants-qui-n’enseignent-plus vont devoir tourner en  véritables bourriques dans toutes les acceptions du terme ! Déjà mis en œuvre,  les élèves considèrent cet « accompagnement personnalisé »  comme une perte de temps pour ceux qui souhaitent travailler, et  la très grande majorité des enseignants ajoutent à la perplexité, une franche hostilité allant jusqu’au désarroi, ce que l’histoire ne dit pas, bien entendu !

Ce qui n’empêche nullement les réformateurs, non seulement de poursuivre dans cette voie, mais de renforcer le processus d’anéantissement du cours. C’est ainsi que l’on peut lire en page 17 de ce rapport : « ...si les élèves ne sont accompagnés que par leurs enseignants, le risque est grand(…) de voir l’accompagnement personnalisé se transformer en prolongation du cours » ! Le comble de l’abomination ! « … l’accompagnement  personnalisé se transformer en prolongation du cours !… » , aider l’élève à assimiler un cours ! C’est impensable ! et pourtant… c’est  bien ce que l’on a voulu nous faire croire en usant de cette formulation, mais pas question !... les rapporteurs étant d’autant plus inquiets  que «… le risque est grand » ! …et de poursuivre...  les inspecteurs déplorent que «… les professeurs ont appris à transmettre une discipline, pas à enseigner… » ; nous n’avons pas saisi l’essence du propos… assurément d’une remarquable subtilité – mais qui nous a échappé.

Alors, que faire ? Bien évidemment, ce qui découle automatiquement de ce discours, c’est qu’il va falloir mettre des non-enseignants, des gens qui ne savent rien ou pas grand-chose, qui n’ont pas de formation intellectuelle solide, et ne pourront donc pas être « tentés » par le démon ravageur de la transmission des savoirs et de la formation intellectuelle !

En réalité, ces rapports confirment la « refondation » de tout le système scolaire et notamment celle du lycée, qui prévoit conférer une autonomie aux établissements dits « scolaires », avec détermination des projets d’établissement  par chaque chef d’établissement qui aura comme autre prérogative, de recruter le personnel d’encadrement  sur profil et non plus sur diplômes, et celui qui sera recruté sera celui capable de se plier aux exigences du système sans avoir de compétences particulières.

Ce système est déjà en application  dans le dispositif « ECLAIR »  (programme des Ecoles, Collèges, Lycées pour l'Ambition, l'Innovation et la Réussite). Ce dispositif - dont l'appellation marque bien la volonté d'unifier tout le système scolaire pour en faire un lieu de vie, sans distinction de niveau -  est présenté comme une expérimentation mais va, bien entendu,  se généraliser : il y a donc une privatisation de l’offre scolaire, avec néanmoins, soumission de chaque établissement  à une obligation de moyens  - faire de l’ « accompagnement personnalisé » en remplacement des cours – mais sans obligation de résultat, c'est-à-dire qu'il s'agit de mettre en place un système dont la logique est exactement l'inverse de celle d'une institution scolaire.

Mise en valeur du concept de compétences

C’est pourquoi est mis en avant le concept de «compétences » et non plus celui de « connaissances ». Ce rapport indique , en effet : « ...Les conseils de classe devront maintenant tenir compte des compétences des élèves, et pas seulement des notes dans l’orientation... ». Il s’agira donc de tenir compte de compétences repérées lors de « l’accompagnement personnalisé, du tutorat,… » telles que le dynamisme, le charisme, l’engagement … toutes choses qui doivent prendre le pas sur les connaissances, sur la formation intellectuelle des élèves et notamment sur leur capacité à raisonner, à argumenter dans une langue correcte sur un sujet donné et alors que cette capacité leur fait cruellement défaut. L’accent devant être mis davantage sur des comportements que sur des qualités intellectuelles, il y a donc inversion des priorités.

Evidemment, la conséquence de toutes ces dispositions est que les épreuves du bac telles qu’elles existent aujourd’hui, seront beaucoup trop difficiles pour les élèves qui seront totalement incapables de répondre à ses exigences mais…

Propositions pour une évolution du bac

…Pour  ne pas dire qu’avec ce système, les élèves seront incapables de passer les épreuves du baccalauréat,  le rapport fait état d’un « …essoufflement du bac !... » ; nous aurions plutôt pensé à un « essoufflement des élèves » dans un système qui ne leur a pas donné les moyens intellectuels de répondre aux exigences de l’examen, mais non ! c’est l’examen qui s’essouffle ! Cette formulation permet d’échapper à  l’objection qui consisterait à dire :  « … si les élèves s’essoufflent, c’est parce qu’on ne leur a pas donné les moyens de répondre aux exigences de l’examen, et… si on leur en donnait les moyens? » ? mais, c’est trop "risqué" ! pas question de suggérer la solution! En pointant « l’essoufflement du bac », le niveau des élèves n’est pas à remettre en cause! Nous connaissons bien la « musique » depuis 60 ans : quand une exigence gêne, elle est supprimée : plus d’obstacles, plus de problèmes ! plus d’examen d’entrée de  6ème, plus de BEPC,  plus de notes…plus de bac…plus d’école ! nous arrivons au terme du processus.

Les propositions destinées à donner « un nouveau souffle » au bac s’inscrivent donc, malheureusement, dans la droite ligne de cette inversion des priorités, ouvrant la voie à la disparition de l’examen « Bac » de caractère national et plaçant les connaissances et la formation intellectuelle à l’arrière-plan : diminution du nombre d’épreuves finales, augmentation de la part du contrôle continu, modification des modalités de contrôle (QCM, oral, soutenance interdisciplinaire, c’est-à-dire formulation orale du projet  de l’élève censé s’être instruit dans  différentes disciplines à la fois c’est-à-dire, évaluation de type TPE (travaux personnels encadrés) qui ne sont qu’une formulation de plus de « l’accompagnement personnalisé ».

Les auteurs du rapport reconnaissent eux-mêmes l'extrême indulgence avec laquelle les notations sont faîtes et le caractère très inégal de ces « contrôles » du fait du caractère illusoire des harmonisations  d’un établissement à l’autre, cela ne saurait les empêcher de les préconiser!

La réforme du lycée 2010 tiendra ses promesses…

C’est ainsi que, sous prétexte d’une « meilleure préparation à l’enseignement supérieur et du caractère aléatoire des résultats à l’examen-couperet », sont prévues des activités en remplacement des cours - qui vont faire s'effondrer le niveau intellectuel de tous les élèves  - activités  accompagnées d' « évaluations-bidon» pour tenter de faire illusion, mais sachant que les référentiels de compétences mis en avant pour « revaloriser » (…) le bac sont ceux des bacs professionnels et surtout, le « socle commun » qui détermine les connaissances et les compétences à maîtriser en fin de collège, cela  manque d’autant moins de nous inquiéter, que les compétences devant acquises dans le « socle commun »  relèvent en réalité, du niveau de l’école primaire !

Tout converge vers cet objectif et il est évident que, dans ces conditions,  la réforme du lycée tiendra bien ses « promesses » révolutionnaires de mutation du « lycée-institution scolaire » en « lieu de vie ».

Lu 10774 fois Dernière modification le vendredi, 13 juillet 2012 14:06